La commission viticulture et œnologie bio de l’IFV-Itab fait le point sur les actualités cuivre, le 8 octobre, lors d’un webinaire. Retour sur les principaux sujets évoqués : état des lieux des produits disponibles, conditions d’usages, raisons des refus d’AMM, point sur les AMM en attente en Italie, réévaluation du cuivre en 2029, mobilisation…
➔ Un tableau recensant les spécialités encore disponibles est maintenant consultable
« Notre volonté est que toute la filière vigne partage le même niveau d’information, et ce, de façon la plus claire possible », introduit Eric Chantelot de l’IFV, rappelant que depuis fin août, IFV, Itab, France Vin Bio, Fnab, Vignerons bio Nouvelle-Aquitaine et les chambres d’agriculture (en particulier la Gironde) sont mobilisés pour faire le point, notamment sur les spécialités cupriques retirées du marché et celles encore disponibles. « Un tableau synthétique est à disposition de la filière. Il présente l’état de chaque spécialité et ses conditions d’usage. Il sera mis à jour régulièrement. »
➔ 17 spécialités UAB autorisées sur vigne en octobre 2025 : moins de poudre, mais sous toutes les formes de cuivre
Sur les 47 spécialités cupriques homologuées (UAB) pour un usage en vigne avant 2025 (usage professionnel et particulier et hors produits de commerce parallèle) :
- 17 ont été retirées du marché,
- 8 ont perdu l’usage vigne,
- 4 ont un usage vigne mais seulement en amateur,
- 2 gardent leur usage vigne (Heliocuivre et Champ Flo Ampli),
- 15 sont en attente d’évaluation en Italie, car certaines firmes ont déposé un dossier de réhomologation dans ce pays (zone Sud Europe, dont fait aussi partie la France). Une fois évaluées en Italie, elles seront en attente de reconnaissance mutuelle par la France.
- 3 nouveaux produits reçoivent une AMM, mais sans l’usage vigne.
« Ce qui laisse donc en octobre 2025, 17 spécialités UAB autorisées sur vigne. » Concernant les formulations, il reste une seule poudre, contre 10 granulés dispersables, 6 suspensions concentrées. « Il semble que les poudres aient été retirées systématiquement. Il y a de fortes chances, qu’à l’avenir, elles ne soient plus utilisables en France. » En revanche, les formes de cuivre ne semblent pas être un critère de sélection ou de rejet de spécialités. « On retrouve toutes les formes de cuivre dans les spécialités restantes. »
Les spécialités commerciales retirées peuvent être achetées jusqu’au 15 janvier 2026 et utilisées avant le 15 janvier 2027.
➔ Les 15 AMM en attente d’évaluation en Italie seront étudiées lors de la ré-approbation du cuivre, fixée pour l’heure au 30 juin 2029
Ces AMM en cours d’évaluation sont utilisables selon l’étiquette actuelle. « L’Italie a annoncé un report de ses évaluations à l’échéance fixée par l’Europe pour la ré-approbation du cuivre, soit au 30 juin 2029 » , explique Eric Chantelot. Ce qui laisse donc aux vignerons une respiration pour quatre saisons avec 17 spécialités disponibles pour lutter contre les maladies. « Car nous craignons qu’ensuite, ces spécialités soient évaluées par l’Anses, selon les mêmes critères que celles étudiées en juillet 2025, indépendamment des conditions d’autorisation rendues par l’Italie. »
➔ Évolutions contraignantes – ZNT et autres distances à respecter, mentions, ports de gants et EPI… – et applicables dès maintenant
Les AMM des deux produits restants homologués en vigne après les évaluations de juillet 2025, sont dotées de plusieurs évolutions apportant davantage de contraintes :
- ZNT aquatique de 20 ou 50 m
- Ajout de DVP : dispositif végétalisé permanent de 20 m
- Ajout de DSPPR : distance de sécurité des personnes passantes et riverains de 10 m – rendant cette distance incompressible car inscrite dans l’AMM
- Ajout de la mention Spe1 empêchant le lissage du cuivre
- Ajout de la mention Spe8 interdisant les traitements en présence de pollinisateurs et lors des floraisons de la vigne et de la flore de la parcelle
- Réduction des doses maximales autorisées par application (entre 400 et 500 g/ha) et parfois du nombre maximal d’applications par an
- Cadence d’utilisation supérieure à 7 jours
- Port de gants en nitrile et d’EPI certifiés pour le travailleur lors de la réentrée de la parcelle, pendant toute la durée du cycle végétatif, ce qui inclut donc les vendangeurs
- Pour l’Héliocuivre : utilisation de matériel assurant une atténuation de la dérive d'au moins 50 %
« Ces mesures sont très contraignantes et elles sont applicables tout de suite. Nous nous inquiétons surtout de la perspective d’une systématisation pour les AMM à venir, évoque Eric Chantelot. Concernant le matériel permettant une atténuation de la dérive d'au moins 50 %, nous tentons de joindre l’Anses car nous n’arrivons pas à interpréter cette phrase. Car aujourd’hui, il n’existe pas de matériel normé à ce niveau. Les matériels normés limitent la dérive de 66 ou 90 %. »
➔ La note de la DGAL favorisant le lissage de cuivre pour les spécialités ne contenant pas les mentions Spe1 reste en vigueur tant que le ministère ne revient pas dessus
Dans un courrier daté au 13 octobre 2023, la Direction générale de l’alimentation (DGAL) envoie un message d’information indiquant que « dans l’attente du renouvellement de la totalité des AMM par l’Anses », la mention Spe1 indiquée sur certaines AMM doit s’interpréter de la façon suivante : « Pour protéger les organismes du sol, ne pas appliquer ce produit ou tout autre produit contenant du cuivre (= et comportant cette même mention) à une dose annuelle totale supérieure à 4 kg Cu/ha. » Ainsi, les vignerons sont limités à 4 kg/ha/an de cuivre métal si et seulement s’ils utilisent uniquement des produits cupriques dotés de la mention Spe1. Pour les intervenants du webinaire, cette note reste d’actualité tant qu’elle n’a pas été remise en cause par la DGAL.
➔ Hypothèses sur les raisons de refus d’AMM et sur les raisons d’acceptation
- Délai de 4 ans entre le dépôt du dossier et l’évaluation de l’AMM
« Nous ne maîtrisons pas toutes les raisons des refus et des acceptations de ces AMM », annonce Eric Chantelot. Le responsable de l’IFV ajoute néanmoins que ces AMM ont été délivrées plus de quatre ans après le dépôt des dossiers par les firmes en 2020 ou 2021, suite à la réhomologation du cuivre en 2018. « On observe donc un décalage entre le dépôt des dossiers, écrits avec les éléments à disposition par les sociétés à ces dates, et l’analyse rendue par l’Anses quatre ans plus tard avec des cadres d’évaluation pris en compte à cette période, et qui ont pu changer pendant ce laps de temps. »
- Des avis liés aux spécialités, et non aux formes de cuivre
« Il ressort clairement que les AMM ont été délivrées selon la teneur de chaque dossier des spécialités, en fonction des résultats apportés, des conditions d’emplois déposées. L’évaluation a été faite au cas par cas », selon Eric Chantelot.
- Des firmes sans doute peu au courant des attentes de l’Anses en termes de conditions d’acceptation
« L’Anses s’est basée sur le rapport d’évaluation de l’EFSA de 2019, et sur ses propres outils d’évaluation des spécialités commerciales, avec des niveaux d’acceptation et d’analyse de risque qu’elle a définis, analyse Eric Chantelot. Sauf que ces conditions ne sont certainement pas vraiment connues des firmes. Ces dernières, par manque d’information ou de besoins de l’Anses, ont pu rencontrer des difficultés à déposer un dossier, correspondant à ce cadre, avec les études adéquates. » Pour le responsable de l’IFV, certaines AMM ont certainement été refusées à cause de doses proposées, de nombre d’applications ou de façon de présenter leur analyse de risque ne passant pas le cadre fixé par l’Anses. « Nous imaginons qu’au lieu de revenir vers la firme pour lui demander de modifier certaines conditions d’emploi plus cohérentes à son schéma, l’Anses a refusé l’AMM. »
➔ Incompréhension de la Task force cuivre sur le risque travailleur
Daniele Ruccia préside la Task force cuivre (regroupant 12 sociétés productrices de produits cupriques). Il revient sur le caractère particulier du cuivre en tant que métal et micronutriment essentiel comme produit phytosanitaire. « La plupart des modèles d’évaluation des substances actives ne sont donc pas adaptés au cuivre. Même si peu à peu des choses bougent au niveau européen. » Il évoque notamment des rapports affirmant que le cuivre utilisé sur les cultures ne présente pas de risque pour l’alimentation humaine. « Et l’Efsa a reconnu que ses guides d’évaluation n’étaient pas adaptés, même si pour le moment nous n’avons pas encore de modèles opérationnels et une inscription officielle de ces éléments dans le règlement 1107/2009 relatif aux produits phytosanitaires. »
Daniele Ruccia rappelle que dans la majorité des cas, les AMM de produits cupriques ont été refusées à cause d’un risque pour le travailleur. « Nous comprenons et respectons le rôle fondamental que joue l’agence dans la protection de la santé publique et de l’environnement. Mais il se peut que l’Anses n’ait pas interprété de la même façon que nous des données existantes sur l’adsorption cutanée, alors même que des agences en Italie et Espagne, elles, ont validé, ou sont parvenues aux mêmes résultats que nous via une autre évaluation. » Daniele Ruccia rappelle aussi qu’aucun cas de maladie pour un travailleur n’a jamais été recensé. Il confirme également que toutes les firmes dont les AMM ont été refusées ont déposé un recours gracieux auprès de l’Anses. « Nous espérons vraiment entamer un dialogue avec l’agence, en basant nos échanges sur des interprétations scientifiques des risques. »
➔ Réhomologation du cuivre en 2029 et retrait candidat à la substitution
La prochaine réhomologation du cuivre a pris du retard et est désormais fixée au 30 juin 2029, comme le stipule fin juillet 2025 le règlement d’exécution européen (n° 2025/1489). « Juridiquement parlant, nous avons la confirmation que le cuivre doit sortir de la catégorie candidat à la substitution, rappelle Stéphane Becquet, directeur des Vignerons bio Nouvelle-Aquitaine, membre de France Vin Bio. Mais cela nécessite la parution d’un arrêté au niveau de la commission, avec la validation de tous les États membres. Il semble que la Commission attende cette réhomologation pour acter cette sortie du cuivre de sa catégorie candidat à la substitution. » Les experts continuent : « On pense qu’il y aura de nouveaux modèles pour l’évaluation du cuivre en 2029. Et les agences nationales devront se baser dessus pour leur délivrance d’AMM. »
➔ Le besoin d’une mobilisation politique
Une grande inquiétude de la part de la filière viticole est très palpable, et exprimée par de nombreux auditeurs du webinaire. « Le dossier doit devenir politique », estime Stéphane Becquet. Pour le directeur, même avec les produits en attente d’évaluation en Italie, il semble difficile de pouvoir mener une campagne dans des zones à forte pression. « Nous avons besoin de réagir face à ça. Le réseau bio est aussi en coordination avec la Cnaoc et le Cniv pour porter ensemble ce dossier et faire remonter à l’Anses et la DGAL les éléments techniques et le contexte du terrain, et ce, pour trouver des solutions pour les vignerons. »
Frédérique Rose