Mildiou en mai 2025 : Un début de saison plus ou moins à risque

Le 22/05/2025 à 11:51

Après des campagnes compliquées contre le mildiou ces dernières années, plusieurs bassins viticoles font le point sur le début de la saison 2025. Dans le sud de la France, le risque de contamination est fort, mais plus modéré en Nouvelle-Aquitaine. Les stratégies de traitements, notamment sur les doses de cuivre à utiliser, diffèrent selon les zones.

[Ndlr] Cet article a été écrit avant les graves intempéries touchant le sud de la France. La rédaction de Vitisbio envoie son soutien à tous les vignerons et vigneronnes durement impactés.

Les équipes d’accompagnement des vignerons dans l’ex-Languedoc-Roussillon sont sur le qui-vive. Au mois d’avril 2025, on relève des précipitations allant de 7 à 200 mm. « Soit la même intensité de pluviométrie qu’en 2024 à date, où l’on se situait entre 17 et 19 mm, indique Eric Chantelot de l’IFV lors d’un webinaire, organisé par la fédération régionale des Vins IGP Sud de France, le 13 mai 2025. Même si la température a été un peu plus faible en 2025. » L’élément déterminant est la différence de débourrement entre les deux années : 10 jours plus tard en moyenne en 2025 vs 2024. L’évaluation du risque de développement maladie à la mi-mai est donc très fort sur la majorité des départements. « Ce décalage de débourrement de la vigne entraîne une apparition plus tardive des premiers symptômes. Compte tenu de la pluie homogène importante à venir, et une température correcte pour le développement du mildiou, nous attendons de nombreuses sorties au cours de la semaine du 19 mai. »

Cyril Cassarini, conseiller viticole de la chambre d’agriculture du Gard, confirme cela pour son département : « Au 13 mai, nous avons déjà reçu depuis mars entre 200 et 250 mm de pluie. Même si le débourrement est décalé de 10 jours comparé à 2024, nous savons que nous avons un grand stock de spores dans les parcelles. » Au 13 mai 2025, des foyers primaires sont détectés un peu partout. « Moins qu’en 2024 à la même date, dû à la température plus fraîche. Mais les cycles sont lancés et les symptômes vont apparaître avec le réchauffement. »

Gironde : moins de pression qu’en 2024 à date

Au 13 mai 2025, le BSV Nord Aquitaine, basé sur 180 parcelles en Gironde, indique un stade moyen à G15 boutons floraux agglomérés. « Les premières fleurs arrivent dans des secteurs précoces, indique Marie-Charlotte Michaud, animatrice du Plan Mildiou, lors d’un webinaire le 15 mai 2025. Nous sommes au même stade à date qu’en 2024. » Des premières taches sur feuille sont observées depuis le 28 avril à Saint-Emilion. « Mais ce ne sont que des contaminations dites élites, ou pré-épidémiques. » Sur les témoins non traités du réseau de surveillance, la fréquence d’attaque sur les feuilles est de 0,3 % et de 0,1 % sur les parcelles de références. « Le BSV du 13 mai déclare des premiers symptômes de rot gris sur inflorescences sur un TNT. » Entre le 15 avril et 21 mai 2025, le risque mildiou simulé grâce aux modèles de l’IFV augmente progressivement, et ce, principalement dans le sud du département. « Mais il reste bien moindre que celui que nous avions en 2024, où au 15 mai, l’ensemble du département se situait en risque très fort. »

À mi-mai 2025, le réseau de surveillance en Dordogne, remarque seulement quelques symptômes de black rot et botrytis. « Le temps est en dent de scie, avec de gros écarts de températures, indique Eric Maille, conseiller viticole à Agrobio Périgord. La saison démarre tranquillement. »

Comparaison du risque de mildiou simulé par le modèle de l’IFV entre 2024 et 2025 du 14 avril au 18 mai. Source : capture écran du webinaire du Plan Mildiou le 15 mai.

Anticiper les épisodes contaminants

Eric Chantelot, de l’IFV, rappelle que, dès que les zoospores ont pénétré dans les tissus de la vigne, lors des contaminations primaires, aucun produit n’a un potentiel d’action contre le pathogène. « Il n’existe pas de solutions curatives ! Les traitements préventifs avant l’apparition des premiers symptômes sont une clé. En revanche, les contaminations primaires se poursuivent toute la saison, en parallèle des contaminations secondaires. »

Autre rappel fondamental, le cycle du mildiou est alimenté à chaque pluie lorsque les conditions de températures sont favorables. « Ce qui conditionne le renouvellement des traitements en cours de saison. » Et bien sûr, la prise en compte de la pousse de la vigne (non couverte par les produits de contacts) et le lessivage des produits sont primordiaux dans sa gestion phytosanitaire.

En cas de fenêtre météo étroite

Autre préconisation, en cas de fenêtre d’application réduite, les conseillers préfèrent des passages pour les traitements sur vigne humide – sans que cela ruisselle –, plutôt qu’en cas de vent. « L’humidité sur le feuillage peut faire l’effet d’une augmentation de volume de bouillie, mais le produit reste présent, indique Eric Chantelot. Alors que le vent emporte le produit hors de la parcelle. »

Ce point est confirmé par François-Thomas Bon, vigneron bio sur 21 ha au Château la Grâce Fonrazade en AOC Saint-Emilion, qui témoigne lors du webinaire du Plan Mildiou le 15 mai. « Cela peut être décrié par certains conseillers. Mais si un orage menace et qu’il faut partir traiter, nous y allons, même s’il y a encore de la rosée sur les feuilles, explique le vigneron. Nous avons fait le choix de pulvérisateurs simples, chassant un peu l’eau avec les turbines de voutes droites, ce qui nous évite d’attendre que la rosée sèche. »

Gard : préconisations à hautes doses

Dans le Gard, contrairement à ce qu’il se fait d’habitude, la préconisation a donc été de commencer les traitements avant l’apparition des premiers symptômes. Le parti pris de la chambre d’agriculture est de préconiser, pour les vignerons bio, des doses de traitements à 600 g de cuivre métal. « Nous sommes en risque très fort. La météo prévue va être très favorable au pathogène, avec de très gros orages. En mettant moins de cuivre, ce dernier risque d’être trop lessivé et les contaminations peuvent reprendre rien qu’avec la rosée et les températures qui remontent. » Pour le conseiller, la priorité est la production de raisin, surtout dans les régions viticoles visant de hauts rendements. « Et ce, quitte, cette année à dépasser les 4 kg/ha. » Il préconise aussi une cadence tous les 7 jours maximum sans pluie, en prenant en compte la notion de pousse et de grossissement cellulaire. Selon Cyril Cassarini, ces hautes doses de cuivre sont justifiées vu les conditions météo qui s’annoncent avec des pluies extrêmement importantes. « Avec les épisodes pluvieux intenses, 400 g ne sont pas suffisants. » Il estime qu’après lessivage, 50 % de la dose de cuivre reste sur le végétal. « En augmentant la dose, on garantit qu’il reste assez de quantité pour les évènements climatiques à venir, surtout si on ne peut pas rentrer à nouveau dans les parcelles. »

Dans l’Hérault, Emma Carrot, conseillère viticole à la chambre d’agriculture, annonce en ce moment des passages à 300-400 g de cuivre. « Nous avons commencé à 150-200 g, mais nous sommes passés à ces doses plus importantes, cohérentes car nous avons des foyers partout, une forte pression et une pluviométrie qui ne s’arrête pas. »

Les stratégies de doses de cuivre à utiliser contre le mildiou diffèrent selon les expériences. (©IFV)

Jamais plus de 450 g/ha pour Agrobio Périgord

Pour ce début de campagne, Eric Maille, conseiller viticole à Agrobio Périgord, a préconisé des doses, selon les secteurs, à 150-200 g ou 200-250 g. « Par expérience, dans notre vignoble de façade atlantique, je préconise maintenant aux vignerons des doses toujours inférieures à 450 g/ha. » Le préambule étant évidemment d’abord d’avoir une qualité de pulvérisation optimale et d’assurer des passages avant les pluies contaminatrices. « Entre le débourrement et la fermeture de la grappe, la pousse de la vigne, qui est intense, est le critère prioritaire à prendre en compte, même avant le lessivage. Il me semble pertinent de passer toutes les semaines, voire plusieurs fois par semaine, mais à doses plus réduites, pour garder en ligne de mire les 4 kg/ha/an. »

Cadences répétées et faibles doses

« Au 15 mai, je suis déjà sorti sept fois pour traiter, détaille François-Thomas Bon. Mais en commençant par des doses à 80 g, puis 120 g, puis 150 g. Nous sommes passés à 200 g mi-mai. » Le vigneron est dorénavant très vigilant sur les conditions météo propices au pathogène. « Nous savons maintenant qu’il ne suffit pas de 5 mm de pluie pour engendrer les contaminations. Le mildiou peut être dangereux avec des humidités relatives durant toute la journée, comme en 2024. » Concernant les doses, le vigneron girondin n’est pas partisan de dépasser les 450 g de cuivre/ha. « Personnellement, je ne l’ai jamais fait et je ne crois pas qu’il y ait un intérêt. » Autre point déterminant dans la stratégie du vigneron : chaque pulvérisateur du domaine est doublé. « Nous en avons deux sur chaque partie du vignoble. Ce ne sont pas des machines récentes, mais au moins, nous en avons toujours au moins un d’opérationnel quand c’est le moment de traiter. Nous avons aussi des quads en sécurité supplémentaire. »

Quelle pertinence des hautes doses de cuivre ?

« La plus-value, en gain d’efficacité du cuivre, n’est pas proportionnelle à la quantité amenée », estime Alexandre Davy de l’IFV lors du webinaire du Plan Mildiou. Pour Nicolas Constant, les expérimentations sur l’utilisation du cuivre étant maintenant très rares, il est difficile d’avoir des résultats précis sur l’efficacité de hautes doses de cuivre, surtout dans un contexte où l’on est censé ne pas limiter les 4 kg/ha/an. « 600-800 g de cuivre ont pu être des demi-doses dans des expérimentations d’il y a plusieurs années. Dans ces anciens essais, les différences d’efficacité avec les pleines doses et les quarts de doses n’étaient jamais significatives, mais il y avait toujours des petits delta. » Pour le référent bio de l’IFV, peut-être qu’effectivement, sur des parcelles à forte vigueur avec une importante pression mildiou, les doses de 400 g peuvent parfois être insuffisantes. Lors d’essais en 2024 à l’IFV, des vignes de cabernet sauvignon ont été inoculées et brumisées. Les expérimentateurs respectent les cadences de traitements et de renouvellement, et suivent les doses proposées par l’OAD Decitrait. « Nous avons commencé par des doses autour de 100 g, puis nous sommes montés progressivement, mais sans jamais dépasser les 400 g. Et les vignes ont décroché face au mildiou. Mais il est dur de tirer de véritables enseignements. » Dans le Midi, les pluies sont présentes surtout en avril et mai. « Il apparaît donc pertinent de commencer par des doses plus importantes en début de campagne, quitte à diminuer, voire arrêter ensuite. »

 

Frédérique Rose

 

Lessivage et efficacité du cuivre restant sur le feuillage

Pas encore de réel consensus

La question de la cinétique de lessivage des traitements à base de cuivre n’est pas si simple que cela. « Plus on travaille la question, plus c’est compliqué » , estime Nicolas Constant de l’IFV. Les travaux à l’IFV réalisés au début des années 2000 par Bernard Molot, puis en 2011 et 2012 par Alexandre Davy, donnent cette référence des 20 premiers millimètres de pluie nécessaires pour lessiver la majorité du cuivre. « Mais d’autres travaux, au sein du comité Champagne, ou à l’IFV, peuvent apporter des résultats contradictoires. Il semble que cela dépende surtout des spécialités commerciales. Nous voulons creuser cette piste. »

Quelle capacité à relarguer des ions Cu 2+  ?

« Et surtout, je ne connais pas à ce jour d’études prouvant que le cuivre restant sur le végétal après la pluie a la capacité de relarguer des ions Cu 2+ , forme active du produit », indique Eric Maille, conseiller à Agrobio Périgord. On retrouve d’ailleurs ces interrogations dans le module Copper school (support d'informations sur le mildiou, le cuivre et ses alternatives)