Parcours en Côtes du Rhône - épisode 7 :
Agir sur les maladies du bois

Le 10/12/2021 à 11:57

Va-t-on avoir encore de vraies vieilles vignes ?

Et voilà, l’hiver est bien arrivé… Autour de nous les montagnes sont toutes blanches et le vent qui les traverse nous glace, les feuilles sont tombées, la nuit arrive de plus en plus tôt, les récoltes sont bel et bien terminées, le poêle et la bouilloire ronronnent, nous avons plus de temps pour lire, réfléchir, envisager ce que sera la prochaine saison, la taille va bientôt commencer et moi, je rêve d’hibernation…

Mais, on avait dit que l’on parlerait un peu des maladies du bois. Je n’ai pas la prétention de faire un cours ni même d’y apporter des solutions, en revanche on peut se pencher un peu sur le sujet et comme la saison est à la réflexion… Je me souviens, quand j’étais petite, la grande préoccupation était l’excoriose. Aujourd’hui, on n’en parle plus : l’esca est plus efficace pour tuer une vigne et certainement plus rapide ! L’esca et son cortège de champignon fait trembler le monde viticole et pose vite la question : va-t-on avoir encore de vraies vieilles vignes ? De plus, il coûte cher, très cher car en France, on estime le coût de l’esca à plus d’1 Md d’euros ! Et ce, à cause des pertes de récolte, du temps d’arrachage, des traitements, des pieds de remplacement…

Retrouver des solutions

Et pourtant c’est une maladie encore mal connue. Il faut dire que jusqu’en 2001, elle n’était pas le centre de nos préoccupations : l’arsénite de sodium remédiait au problème. Alors, personne ne se penchait sur la question car on avait un produit qui fonctionnait (sans que l’on s’intéresse à son mode d’action) contre une maladie que l’on ne connaissait pas (d’ailleurs on s’en fichait pas mal, quel intérêt y avait-il à faire de la recherche puisqu’on avait LA solution ?). Et je pense que là était le nœud du problème : nous avons perdu un temps précieux à ne rien faire. Mais, à partir de 2001, couic, terminé plus d’arsénite. Oh bien sûr, les problèmes ne sont pas apparus de suite : il en faut du temps pour remettre la machine en route, mais maintenant qu’elle est bien lancée et bien ça fait des dégâts !

Amadou sur cep mort.

Quand je pense que les Grecs, déjà, l’avaient décrite, déjà cherchaient des solutions : ils fendaient la vigne avec une hache et ça marchait un peu. D’ailleurs on y revient avec le curetage ou la méthode de la fente. L’être humain est ainsi fait : tant qu’il n’a pas le nez dans les problèmes, il n’anticipe pas ! On est quand même champion sur le sujet en viticulture : l’esca, la flavescence, demain xyllela, et non, ça ne nous sert toujours pas de leçon….

Chercher les greffages adaptés

Bon, revenons à notre sujet. Que sait-on ? On sait que ce sont divers champignons pathogènes en association ou non qui en sont les responsables en s’attaquant aux vaisseaux conducteurs de la sève et en les nécrosant. Que cela conduit à un dessèchement et à une rupture d’alimentation. Que ce cortège de champignons a été identifié mais qu’il subsiste encore des zones de flou quant à son action et son développement. Bref, on n’est pas tiré d’affaire… Alors il nous reste le bon sens de la prévention. Déjà le greffage : l’oméga est-il physiologiquement adapté ? Là-dessus, je suis sceptique car quand on commence à industrialiser une méthode sur du vivant, en général, un jour ou l’autre ça nous revient en boomerang. Et d’une façon plus générale, pour aller plus vite, par mesure d’économie (en temps de travail, en fatigue, en argent), l’industrialisation et la mécanisation du vivant n’est jamais un bon calcul ! Alors, nous faisons les remplacements en greffage en fente sur racinés et pour les plantations soit nous greffons en place soit Lilian Berillon nous fournit des greffés soudés en greffe anglaise (toujours traités à l’eau chaude !) Les plaies dues au travail du sol ? C’est une réalité mais la solution est vite trouvée : apprendre à bien régler son matériel et avancer plus lentement.

Taille respectueuse et curetage

Et l’on arrive au grand sujet : la taille. À Libian, la situation s’est éclaircie le jour où nous avons rencontré François Dal. Enfin ! quelqu’un a mis des mots sur nos questionnements et y a apporté des solutions. Depuis, la taille coule de source et le travail d’épamprage avec une équipe (bien souvent débutante) est devenu trop facile. Je ne peux qu’encourager ceux qui ne l’ont pas encore rencontré à vite faire une formation avec lui ou tout au moins acheter son livre ! La première année est un peu difficile (nous avons presque mis le double de temps) car il faut accepter les erreurs des années précédentes (ça fait un peu mal au ventre), changer de réflexes et surtout prévoir le coup de sécateur de l’année prochaine. Mais une fois que c’est parti, ça devient d’une facilité déconcertante ! Et pour les épampreurs également avec un seul mot d’ordre : vous laissez les deux du haut, on l’a prévu à la taille !

Livre de François Dal.

Maintenant il nous reste le curetage. Je suis bien équipée et pas trop mal entraînée mais sur des gobelets ou cordon de royat c’est un travail de Romain ! Oui, ça marche mais franchement c’est long, minutieux et difficile. C’est peut-être mieux adapté au guyot. Chez nous, il faudrait certainement y réfléchir autrement (nous tentons d’y travailler depuis quelques années). Il y a également la méthode de la fente comme nous l’avons vu au Château Revelette et le succès rencontré vaut la peine que l’on s’y penche sérieusement. Bref, des pistes il y en a beaucoup. Toutes ne sont pas suffisamment exploitées, la recherche doit également avancer, alors en attendant, appliquons-nous à laisser le moins de portes d’entrée à ces champignons.

Cep de grenache cureté naturellement.

 

Le partage d’Hélène : Faire confiance au bon sens !

Nous sommes tous loin de tout savoir, nous avons encore beaucoup à apprendre et à découvrir. Personne ne détient LA Vérité. Aussi, fort de ce principe, nous essayons d’observer et de prendre conseil. Aujourd’hui, nous voyons se multiplier les conseillers en tous genres. Si les vignerons ne détiennent pas la Vérité, les conseillers non plus, surtout, ne l’oubliez pas, que celui qui paiera les conséquences d’un échec ce sera vous et non pas le conseiller qui sera loin ou s’en sortira par une pirouette. Alors, écoutez, apprenez, soyez ouvert d’esprit mais gardez votre pouvoir de décision ! Le conseiller le plus brillant n’est pas forcément le plus compétent, le plus sûr de lui, le plus affirmatif, le plus à la mode, le plus «  moi je sais, les autres non  » n’est pas forcément celui qu’il faut suivre…. Gardez votre bon sens : c’est vous qui êtes dans les vignes tous les jours, ce qui fonctionne ici ne marchera pas là-bas, il n’y a pas de recette universelle, il n’y a que de la nuance et du doute.

 

Hélène Thibon
(Crédit photo: Mas de Libian)