Parcours en muscadet – épisode 12 : La taille commence

Le 05/02/2021 à 16:36

Fin janvier, Robin Euvrard débute la taille de ses vignes. Pour affiner la compréhension de ses parcelles, il réalise un relevé de la flore présente, avant de passer à l'étude des micro-organismes.

C’est l’heure de la taille dans vos vignes ?

Je n’ai été que rarement à la vigne cet hiver, occupé par les dossiers administratifs et les formations collectives ou conseils individuels. Après plusieurs déplacements, j’ai eu le plaisir d’intervenir dans deux journées organisées par la Cab Pays de la Loire, chez un vigneron voisin. J’y alterne apports théoriques et échanges pratiques sur le terrain, autour de nos cépages locaux. S’y rajoute un déplacement à Pornic (Loire-Atlantique), avec le privilège de tailler dans une parcelle avec vue sur mer. Après cela, il est temps pour moi de m’y mettre, enfin, sur mes parcelles. J’ai 2,7 ha à tailler cet hiver, ce qui représente un beau chantier en perspective : 6 500 ceps/ha, avec une moyenne de 500 pieds par jour… ça devrait m’occuper dans les quelques semaines à venir, avant l’arrivée du printemps, avec sans doute quelques coups de main pour des copains désireux d’apprendre. Je décide d’attaquer par l’une des nouvelles parcelles, plantée en melon B. Elle est située sur le haut du coteau et devrait être a priori moins sensible au gel. Les matinées sont fraîches, mais la vue est superbe. Et quel plaisir de retrouver la vigne !

Lors d'un déplacement, le vigneron a participé à la taille d'une parcelle à Pornic (Loire-Atlantique), avec vue sur mer. (© R. Euvrard)

 

Comment travaillez-vous ?

La taille est vraiment une activité réellement fascinante. Je ne me lasse pas d’y lire les coupes passées, de reconstituer ainsi les étapes de structuration du cep. À partir de cela, je cherche les meilleures options pour accompagner chaque pied de vigne pour la saison à venir, pour équilibrer sa fructification et répartir le développement foliaire à venir. Ces choix intègrent également une attention toute particulière à l’architecture de la plante, en anticipant sa croissance pour les années à venir. Et dans le cas de cette nouvelle parcelle, on peut dire que je suis servi. J’y retrouve tous les « maux » communs aux vignes de cette époque : pieds manquants ou « têtes de ceps » mortes, manque de vigueur… Il en résulte une hétérogénéité très forte au sein du cep, ce qui rend la lecture du tailleur plus longue et qui m’oblige à une adaptation de tous les moments, pour tenter d’apporter à chaque cep sa coupe « personnalisée ». C’est plus long mais il n’y a que comme ça que je pourrai parvenir à rééquilibrer l’ensemble. Pour certains pieds, cela signifie des coupes strictes, avec le choix de ne conserver qu’un nombre limité de bourgeons. Je sais par avance que ça limitera le rendement cette année, mais j’ai bon espoir qu’ils retrouvent ainsi de l’énergie pour les années à venir. J’ai conscience qu’il me faudra plusieurs années pour connaître et comprendre ces nouvelles parcelles. Elles me seront nécessaires pour affiner mes pratiques et adapter mes interventions. Pour cela, je m’appuie sur des outils multiples, enrichis par mon expérience accumulée en tant que conseiller technique ou vigneron en apprentissage. L’observation minutieuse des ceps et de leur vigueur (nombre de sarments et leur longueur, leur diamètre…) me donne une première indication. J’ai commencé également un relevé de la flore présente à la surface du sol, autour des ceps ou entre les rangs.

À quoi sert ce relevé de flore ?

La méthode des plantes « bio-indicatrices » permet d’affiner la lecture de la situation, de mieux comprendre le fonctionnement du sol et de sa vitalité. Aujourd’hui, j’y trouve des mousses, des plantes « pivotantes »… autant de signes qui vont m’inciter à aérer le sol, à lui apporter les aliments nécessaires pour relancer les processus du vivant. Viendront ensuite des analyses plus fines, des profils à la bêche pour observer la structure du sol, des analyses de sol au laboratoire pour mieux en comprendre son fonctionnement. Je connais ces techniques et j’ai appris à les utiliser et à les mobiliser. Je passerai bientôt dans un autre monde, celui de l’infiniment petit. J’ai participé récemment à une formation d’observation des micro-organismes au microscope. Nous y avons suivi la présence et le développement de bactéries, champignons, protozoaires et autres bouillonnements de vie. Je compte l’utiliser pour observer mes différents sols, m’en faire une nouvelle image. Je m’en servirai surtout pour analyser les composts et extraits liquides (thés de composts, ferments lactiques) que j’apporterai au fil des saisons. Avec toujours ce cap que je me suis fixé : intervenir en ayant conscience au mieux de ce qui se passe.

Le vigneron compte étudier les micro-organismes présents dans les sols pour mieux les appréhender. (© R. Euvrard)

Propos de Robin Euvrard