Parcours en muscadet – épisode 5 : bilan des premières vendanges

Le 25/09/2020 à 17:33

Journal de bord d’un vigneron

Vitisbio suit un vigneron pendant une année. Chaque quinzaine, nous découvrons son actualité, ses enjeux techniques, ses difficultés et ses réussites !

Robin Euvrard, installé dans le Muscadet a vécu l'effervescence de ses premières vendanges. Après avoir choisi la date en fonction de la maturité des baies mais aussi des disponibilités des vendangeurs, il a dû faire face à une panne de pressoir, heureusement réglée avant le coup de feu.

 

Comment s'annonçaient les vendanges en termes de maturité des baies ?

Une fois que la cave prête et le matériel rassemblé, je n’ai plus qu’à attendre et guetter les créneaux pour vendanger. Je patiente en faisant quelques prélèvements pour suivre l’évolution du taux de sucre et des acidités, je goûte les baies en répétant ce protocole que m’ont appris les vignerons chez qui j’ai travaillé. Goûter les jus mais aussi les peaux, les pépins, et chercher la délicate harmonie entre tous ces facteurs. Je regarde les météos plusieurs fois par jour, j’élabore les scénarios dans ma tête. Pour une première année, l’été a été clément, chaud et sec, puis une pluie de 50 mm fin août est venue apporter ce qu’il manquait pour une bonne maturation des raisins. La météo des journées à venir annonce une montée des températures et un grand soleil. Je surveille malgré tout, les pourritures éventuelles, d’autant que les matinées sont fraîches (12-13 °C) et humides. Et jour après jour, l’échéance se rapproche. Les pieds sont chargés et présentent une grande hétérogénéité de maturité. Certaines grappes sont encore bien vertes quand d’autres arborent une belle couleur dorée. Sur une même grappe on peut observer de nettes différences de couleur. À quel moment dois-je démarrer ? Même après plusieurs vendanges chez d’autres, les questions demeurent : trop tôt ? trop tard ? D’autant qu’on m’a bien prévenu, le melon de Bourgogne se récolte mûr mais passé un certain degré il risque de perdre toute acidité. Il va falloir viser juste, mais avec une petite surface je peux me permettre d’attendre le dernier moment, quand les copains qui ont 15 ou 20 hectares d’un même cépage sont obligés de réfléchir autrement.

 

Quand avez-vous décidé de débuter le chantier ?

Surveiller les raisins est une chose, organiser le chantier vendanges en est une autre. J’ai fait le choix de vendanges manuelles avec une équipe composée de famille et de copains, tous des gens motivés et curieux de participer à cette première. Choisir une date de vendanges, c’est aussi composer avec leurs disponibilités. En semaine ? Le week-end ? On fixe la première journée pour le samedi 5 septembre. Par précaution, on réalise un premier passage avec quelques-uns le jeudi matin pour tester la logistique, le transport des caisses et le chargement du pressoir. Cela me permet d’anticiper les derniers réglages et aussi de me rassurer, en dégustant les premiers jus écoulés. La précaution n’était pas de trop car au bout de deux tours… Le pressoir s’arrête, sans un bruit. Deux heures et quelques coups de main plus tard, il repart, pour une bête histoire d’inversion de phases et de sécurités enclenchées. Un pressoir et 6 hL de jus, je suis prêt pour samedi. Une quinzaine de personnes ont répondu à l’appel. Certains ont déjà vendangé il y a longtemps, mais pour la plupart d’entre eux ça sera une première. Alors je prends le temps d’expliquer, de cueillir quelques grappes pour montrer ce qui est mûr et ce qui ne l’est pas, ce qui est de la pourriture et ce qui est de l’échaudage. Je fais le choix de trier et de laisser les grappes les plus vertes dans l’optique d’un second passage. Et ça tourne bien. On trouve le rythme, je prends peu à peu confiance dans mes pressurages. Je me permets d’isoler un haut de parcelle, plus mûr, que je veux isoler en vinification. À la fin de la journée on aura ramassé de quoi remplir trois pressoirs. Gérer des vendanges c’est aussi gérer tous les à-côtés, du café d’accueil au casse-croûte de 10 heures, le repas du midi. Une équipe de bénévoles, ça se soigne. Je suis le pilote dans l’aventure, à la vigne et au chai, mais c’est précieux de pouvoir compter sur Vincent pour les courses, les retraités pour les grillades, ou Igor pour la logistique des caisses.

 

Les vendanges, manuelles, ont été réalisées avec une équipe
composée de la famille et de copains. (© R. Euvrard)

Quel ressenti après ces premières vendanges ?

Les vendanges sont une folie ! En quelques jours on ramasse le résultat de plusieurs mois de travail. La pression se mélange à l’excitation. Après une grosse journée de coupe et de pressurage, il faut déjà penser à la suite. Est-ce qu’on continue à ramasser demain ? Dans deux jours ? Que dit la météo ? Et le gamay, il peut attendre ? La grosse équipe du samedi a permis de bien avancer. On complète par une matinée le dimanche pour boucler le premier tri. Le dernier rang en bordure de bois n’en aura pas besoin, les chevreuils sont passés avant nous, en se contentant de ce seul rang. Le reste attendra. Pendant ce temps-là les jus sont frais, sucrés, et n’attendent qu’à partir en fermentation. Après l’effervescence de ces beaux moments collectifs, je me retrouve pour la première fois tout seul devant ces hectolitres fraîchement pressés. Et devant moi l’éventail des choix. Sulfite or not sulfite ? Faire une analyse d’azote assimilable ? Intégrer un pied de cuve ? Protéger la cuve ? Sans cesse cette même question : laisser-faire ou intervenir...