Parcours en Beaujolais épisode 10 :
Les vendanges se font attendre !

Le 07/09/2021 à 14:07

2021 restera une année compliquée pour les vignerons. Chez Olivier Renard, les vendanges auront certainement plusieurs semaines de retard. Et avec quel rendement ? En attendant, le chai se prépare et les dernières actions à la vigne se réalisent.

En attendant lre début des vendanges, la préparation du chai est nécessaire.

2021, ANNUS HORRIBILIS

À cette date, je devrais être entré de plain-pied dans l’effervescence de pré-vendanges : les vignerons auraient entamé les vendanges dans les zones précoces, les bars auraient commencé à se remplir d’habitués, de punks à chiens (les derniers hommes libres), de Polonais, de Bulgares et de Tchèques, et les rotations de tracteurs chargés de raisin fraîchement vendangé auraient débuté, résonnant dans nos beaux villages du Beaujolais.
Mais rien de tout cela cette année : chômage technique pour tout le monde, ça démarrera au plus tôt dans une quinzaine de jours ! Ambiance un peu morose aussi, puisqu’on estime une baisse d’environ 30 % de rendement (d’autres appellations sont bien plus touchées). À cela risque de s’ajouter la difficulté de recrutement, en raison de la date tardive et d’une demande nationale accrue liée à l’impossibilité de passer avec des machines à vendanger dans de nombreux vignobles. Sans parler du surcoût de main-d’œuvre pour trier les raisins, qui ne va pas nous aider non plus.
Bref, 2021 restera probablement dans les annales pour les vignerons, mais pas pour de bonnes raisons. Reste à espérer que malgré tous ces aléas, la qualité sera au rendez-vous.

À LA VIGNE : OBJECTIF LUNE (MONTANTE)

Mon petit Kubota récemment acquis me facilite grandement la tâche pour tondre les chemins dans les vignes : bizarre après quatre années sans machines d’abattre autant de travail sans fatigue. En quelques jours mes parcelles sont redevenues présentables ; reste à passer le rotofil dans les rangs, avant que les baies ne deviennent trop sensibles aux projections. Voilà pour la gestion de la végétation.
Je vais passer une 501 en début de lune montante, vers le 15 septembre, avec de l’ortie : un vigneron m’a dit que cela fait des miracles pour mobiliser l’azote dans les grappes avant vendanges, ce dont nous avons bien besoin en Beaujolais.
J’en repasserai une après vendanges , en espérant qu’il restera assez de feuillage, pour soutenir les réserves automnales et bien préparer 2022.
Le travail du sol commencera tôt aussi.

Côté raisin, il y a une telle diversité d’une parcelle à l’autre, et d’un cep à l’autre, que le suivi de maturité s’avère quasi impossible. Le réseau « Beaujolais » annonce un démarrage au 12 septembre pour les plus précoces, pour moi c’est en général 20 jours plus tard. Je me fie aussi aux dates des voisins et à l’état de mon feuillage : je démarrerai le 2 octobre, pour 3 ou 4 jours de vendanges et surtout de tri.

Olivier Renard a investi dans un petit tracteur Kubota, facilitant la tonte des chemins.

 

NETTOYAGE AU CUVAGE : LE MIEUX EST L’ENNEMI DU BIEN

Je ne suis pas un adepte du vide sanitaire. Je préfère privilégier un espace propre avec une population levurienne et bactérienne diversifiée, fiable (issue des années antérieures sans problème, 2019 et 2020), qui fera barrière aux brettanomyces et autres. J’ai aussi arrêté les traitements tôt pour avoir une belle population levurienne indigène. Je ne fais pas de sulfitage à l’encuvage, ni de levurage.
Je commence par vider le cuvage et faire un nettoyage général au karcher eau froide, sans produits. Pour les cuves béton, je prévois un détartrage à la soude cette année. Je réserve les produits nettoyants au matériel. Pour le pressoir en bois, de l’eau et un peu d’acide peracétique. Pour la robinetterie, les tuyaux, le tapis de vendange, les cuves en fibre, nettoyage intensif avec les produits de nettoyage autorisés en Demeter. Il faut que je refasse un point approfondi de mon plan de nettoyage dans les prochains jours. Vu les faibles quantités vendangées cette année, je vais mettre une partie de la vendange (les Morgon) en cuves à plafond mobile, et le reste dans les cuves béton les plus petites (passer des 50 hL aux 30 hL).

> À relire :   Article Vitisbio 6 « Hygiène au chai, halte aux Bretts ! »

POUR LES VENDANGES : GARDER LE MORAL !

J’avais prévu une équipe réduite pour les vendanges, afin de ralentir un peu le rythme des rotations entre les vignes et le cuvage. Je ne m’en inquiète plus vu la faible charge de raisin par pied et l’état du raisin : le rythme de remplissage sera lent, c’est certain. Et il y aura du monde au tri.
Je retrouverai l’équipe qui se fidélise au fil des ans et qui commence à connaître l’ambiance du domaine et mes consignes : respect de la vigne et du raisin, vendanges en conscience, en cohérence avec ce que je m’applique à faire dans tous mes gestes toute l’année.
J’ai regardé le calendrier lunaire : il annonce des pluies abondantes à la fin du mois. En juillet, il annonçait un temps chaud et sec, donc je ne m’en inquiète pas trop !
J’espère atteindre les 12° sur mes vins cette année, nous verrons bien. Je referai mon rosé nature « Rossinante » qui avait bien plu en 2018, avec mes parcelles les plus haut perchées.

Les vendanges seront tardives cette année. Olivier Renard débutera certainement le 2 octobre.

SEPTEMBRE ATYPIQUE ET ACTIF

Ces vendanges tardives permettront d’avoir un mois de septembre assez actif côté commercial, avec quelques tournées urbaines, un suivi à l’export, voire un rafraîchissement de mon site internet !

Je prévois une mise en bouteille de mes derniers 2020 fin septembre, pour libérer mes fûts pour le 2021. Le faire après les vendanges aurait été préférable mais l’agenda sera trop serré, et j’ai une semaine de cours à assurer à Angers .
J’aimerais aussi réceptionner des amphores en grès pour l’élevage de mes Morgon, il faut que je me renseigne rapidement sur les délais de livraison.

Olivier Renard

(© O.Renard)

LE PARTAGE D'OLIVIER :

La période sera riche en apprentissages : un petit échange vigneron ce 31 août sur les hybrides chez Lilian Bauchet. Je réfléchis à une parcelle « zéro traitement » et agroforesterie pour des blancs : pourquoi pas une parcelle muscaris / sauvignac ? Les constats en cette année désastreuse sont très, très convaincants : de superbes vignes sans aucun traitement, ça fait bizarre ! (voir photo)

Parcelle avec muscaris zéro traitement à droite et gamay à 0,4kg de Cu/ha à gauche.

> À relire :   Article Vitisbio 9 « Pour réduire les traitements, les cépages résistants se multiplient »

Le 1 er septembre, une formation sur la sélection massale par le pépiniériste Hebinger. Nous aurons la chance d’avoir une formation de Jacques Néauport « druide des vins nature » mi-septembre : une petite piqûre de rappel, deux années après son dernier passage en Beaujolais, avec des conseils adaptés au millésime 2021 qui s’annonce « spécial ».

Comme convenu avec Vitisbio, je vous dirai en quelques lignes fin 2021 comment les vendanges et la vinification se sont passées... Bon courage à tous !