Parcours en Côtes du Rhône - épisode 14 :
: Être paysan demain… et bonne saison à tous !

Le 31/03/2022 à 14:16

Fin de saison des lettres… avant le début de saison !

Et voilà, c’est la dernière fois que je vous écris… J’espère n’avoir pas été trop barbante ! Mais pour moi, ce fut un bel exercice, et même si aujourd’hui je suis soulagée d’être arrivée au bout, j’ai vraiment pris beaucoup de plaisir à vous écrire deux fois par mois ! Oui, c’est bien que ça se termine maintenant car la saison commence la semaine prochaine : Bambi, le chenillard, les décas et les pioches commencent à s’agiter au fond de l’écurie !

Les stagiaires et les woofeurs arrivent en rang serré le week-end prochain, alors je n’aurais plus le temps de penser « et dimanche, je leur raconte quoi ?  » Car finalement, ça fait sept semaines que je pense régulièrement à vous, en taillant, en cuisinant, en attachant, en faisant le ménage, le texte mûrissait petit à petit… La dernière fois, je vous avais promis « être paysan demain », et depuis que je rumine cette idée, je m’aperçois que c’était un peu prétentieux… Comme si on pouvait connaître l’avenir ! Mais ce qui est dit est dit, alors nous allons tenter de nous y arrêter un peu.

Revenir au paysan

Pour commencer, il faut bannir de notre vocabulaire le terme exploitant : je suis convaincue que quand on a changé les paysans en exploitants ce fut le début de notre déchéance. Mais nom de nom ! Un paysan n’exploite rien ni personne : l’esclavage dans nos pays est terminé depuis longtemps, et secundo, il ne doit pas exploiter la terre mais la courtiser. Un jour, Pierre Masson m’a dit « il faut travailler religieusement » et cette phrase continue de raisonner en moi. J’ai le sentiment que le paysan de demain ne sera plus majoritairement « un fils ou fille de ». Ce sera un choix réfléchi, une décision inévitable, un choix de vie, un désir d’être avec la Nature, de participer, d’agir au milieu de ce grand dérèglement environnemental mais aussi spirituel. Une volonté de s’enraciner pour lutter contre ce monde en perte de valeur, d’élever ses enfants loin de ce monde qui court sans but.

Revenir au petit

Le paysan de demain sera petit. Nous sommes convaincus que ces grandes exploitations (là le terme s’impose) vont s’effondrer misérablement car elles n’ont aucune résilience et qu’au premier virus, première bactérie, premier champignon, première dégénérescence, sans perfusion de l’État, elles n’y résisteront pas. Combien de temps supporterons-nous que le bien commun soit accaparé et dilapidé par quelques-uns ? Combien de temps la population restera les yeux fermés ? Car quand les gens vont s’apercevoir que ça coûte plus cher de dépolluer que d’encourager la bio, que les réserves en eau sont gaspillées pour produire encore plus une nourriture de moins bonne qualité pour leur santé, que l’eau, l’air, la terre sont pollués, que cette pollution a été subventionnée avec l’argent public, ça risque de faire mal ! Mais la petite ferme qui sera, en premier lieu, capable de se nourrir, de s’auto-suffire, de préserver son environnement et de produire une nourriture de qualité aura toute sa place dans le monde de demain. Elle sera LIBRE ! En moins d’un siècle nous aurons bouclé la boucle : grossir jusqu’à exploser et revenir à ce qui a toujours été. Nous avons été rapides, et le prix à payer est terrible.

Oser accompagner

Dans mes jours sombres, je me dis que l’on n’y arrivera pas, que ce qui est détruit est détruit… Dans mes jours d’optimisme, de printemps, de soleil, je me remets à y croire, je crois en tous ces jeunes futurs paysan-nes, je crois qu’ils portent en eux une force vitale qui fera renaître une belle agriculture. Mais les défis sont immenses, il faut être sacrément nombreux pour les relever. Alors accueillons dans nos domaines toutes ces jeunes pousses, soyons tous des pépinières en puissance, donnons-leur la force, transmettons le savoir-faire, aidons-les à franchir les écueils. En un mot comme en cent : accompagnons-les ! Parrainons-les !

Je vous souhaite une belle saison, de belles pousses, une belle récolte, une belle transmission et si vous passez en Ardèche, n’hésitez pas à venir nous voir ! Vous avez plein de choses à nous faire partager ! Bonne chance !

La pousse de la vigne au 27 mars, au Mas de Libian. Bonne saison à tous !

 

 

Le partage d’Hélène : le beau geste de la greffe

Pour finir et avant de nous quitter, je voulais partager avec vous un geste. Cette semaine, deux frères, de « Viti-greffe », sont venus greffer en fente à la maison. J’ai pris des photos et j’en ai réussi une ! Je resterais des heures à les regarder travailler ! Je suis toujours en admiration devant un beau geste quel qu’il soit.

Greffeur au Mas de Libian.

 

Hélène Thibon
(Crédit photo: Mas de Libian)