Parcours dans l’Hérault épisode 6 :
À l'heure des assemblages

Le 06/07/2022 à 13:48

Brigitte Chevalier livre ici ses ambitions pour la création des vins du domaine : faire parler les spécificités du terroir, valoriser le potentiel des schistes et jouer avec les assemblages et les millésimes pour élaborer des vins aux caractères distincts.

Brigitte Chevalier devant une coupe de sol de schiste.

LE SCHISTE, SPÉCIFIQUE

Les vins issus de schistes ne sont pas dans une démonstration de puissance tannique mais dans l’élégance, la douceur des tanins, la subtilité, un toucher de bouche aérien et une minéralité non crayeuse. L’expression de ces roches est délicate et fragile, de nombreuses pratiques peuvent le masquer ou le déformer. Il faut éviter les pièges des masqueurs de terroirs, que sont l’élevage en barrique, la sur-maturité et la sous-maturité, le passerillage de certains grains, la dilution en cas de vigueur mal maîtrisée. C’est ainsi que s’illustre la différence entre les vins issus de sols de schiste, peu répandus dans le monde viticole et les vins issus de sols argilo-calcaires, très nombreux : l’expression en bouche est très différente.

QUELS VINS À CÉBÈNE ?

Notre motivation a toujours été de créer plusieurs profils de vin, distincts. Nous voulons tenter d’exprimer les différentes facettes de nos terroirs, en respectant l’énergie et la diversité de notre environnement haut-languedocien et la spécificité de nos terrains. Dans notre travail de création notre attention se porte plus sur la recherche d’équilibre en bouche et la personnalité du vin au niveau de son expression aromatique et minérale. L’approche par l’analyse sensorielle est un outil intéressant pour nous, que nous pratiquons comparativement avec la rétro-olfaction. Grâce à cet éclairage nous comprenons mieux nos assemblages mais aussi leur évolution à venir en bouteille.

UNE GAMME DIVERSIFIÉE

Au fur et à mesure de l’acquisition des parcelles de vignes, avec chacune leurs particularités, nous avons adapté nos méthodes de travail pour essayer de capter dans nos bouteilles le potentiel de chaque raisin.
- À La Venvole, un premier vin, croquant mais complexe, à la personnalité Faugères marquée, pour une consommation décontractée à l’image de son étiquette. À boire frais, assez jeune. Les carignans jeunes apportent à l’ensemble vivacité et jus.
- Les Bancèls, un rouge qui va exprimer son exposition nord, sur schiste, en altitude. La fraîcheur de ses arômes et son harmonie en font sa personnalité. Il va s’enrichir avec l’élevage en bouteille. Élégant et persistant.
- Belle Lurette, une cuvée issue en grande majorité de vieilles vignes de carignan. Ce cépage est flatté par l’élégance des sols de schiste.
- Felgaria, un vin rouge de grande garde, aux arômes complexes et au toucher de bouche soyeux. Pour des repas raffinés. Le mourvèdre exprime ici toute sa grandeur sans passer par des tanins ingrats dans sa jeunesse.

À la Venvole, Faugères de bistronomie.

COMPTER SUR LES ASSEMBLAGES

La création de nos vins s’orchestre par la création de composantes d’assemblage en vinification et en élevage, réalisées pour un profil recherché. Ce sont autant de leviers de création sur lesquels nous reviendrons avec la préparation des vendanges. Sur notre domaine à faible rendement, il est essentiel de pouvoir valoriser l’ensemble des vins et que chacun d’eux rentre dans l’un des profils de la gamme. L’emploi systématique de   chapeaux flottants   sur nos cuves assure une vinification des composantes d’assemblage dont les volumes sont libérés de la contrainte des relogements. Notre objectif est d’avoir deux à quatre composantes d’assemblage pour chaque profil à réaliser. Au-delà du terroir, nous tenons à respecter le profil de chaque millésime. L’objectif est donc de réaliser un profil de vin préalablement imaginé sur la base des millésimes passés, avec l’empreinte du terroir et avec des éclairages nouveaux liés au millésime à venir, à mettre en valeur.

Cuverie avec des chapeaux flottants.

ADAPTER, SELON LES MILLÉSIMES

Notre appréhension pour 2021 avait été d’obtenir un caractère plus dilué lié aux pluies estivales plus abondantes qu’à l’accoutumée après un hiver très sec. Nous avons modifié en conséquence nos pratiques pour avoir des composantes améliorant la concentration de la cuvée. Nous avons opté aussi pour quelques raisins plus mûrs afin de prévenir l’éventuelle insuffisance d’arômes mûrs. Et le résultat est très prometteur. 2021 est un grand millésime qui s’annonce. La concentration est là. Les rafles n’ont pas donné de caractère végétal. Le style de ce millésime pourrait être entre la gourmandise des 2020 et la richesse des 2019. L’assemblage de tous ces paramètres demande une grande expérience, sur de nombreux millésimes, et hélas, on n’a qu’une expérience par an ! Dès l’origine, je rêvais de profils précis à mettre dans mes bouteilles et la complémentarité de notre tandem à Cébène a fait progresser rapidement le projet : profondément attaché aux valeurs du monde rural, Pierre Roque, consultant en stratégie viticole et en élaboration de vins, accompagne des entreprises viticoles aux objectifs multiples et aux terroirs très différents. Il participe quotidiennement aussi à ce challenge.

 

Brigitte Chevalier
© Domaine de Cébène

 

LE PARTAGE DE BRIGITTE :
L’importance des lies

Une grande qualité des lies est essentielle à nos yeux pour imprimer la marque du terroir, gagner en harmonie et en profondeur. Nos élevages sur lies totales sont très longs, c’est la raison pour laquelle leur qualité est essentielle. Au-delà de la qualité sanitaire et du niveau de maturité du raisin, c’est le transfert gravitaire qui, par l’absence de traumatisme, va contribuer à en préserver tout le potentiel. Des efforts quotidiens supplémentaires, sont nécessaires pour éviter tout traumatisme : récolte à la main directement dans les cagettes, apport immédiat au chai à proximité, encuvage gravitaire, pigeages en cuves ouvertes, décuvage gravitaire dans la cage mobile du pressoir vertical.

Les lies lors du soutirage, huit mois après la récolte 2021...