Parcours dans les Corbières épisode 2 :
Gestion de l’herbe : des animaux et peu d’interventions mécanisées

Le 13/04/2023 à 12:06

Au domaine de Roquenégade, Alexis Gaudin et Émilie Gal comptent maintenant sur un troupeau de brebis et de chèvres pour entretenir l’herbe l’hiver. Présentation de leur stratégie à long terme pour gérer l’enherbement des vignes.

50 brebis, 6 chèvres et un patou intègrent maintenant le domaine de Roquenégade.

 

BREBIS ET CHÈVRES REJOIGNENT LES RANGS

30 janvier 2023. Après quelques kilomètres dans le coffre du fourgon, voilà nos douze premières brebis qui débarquent sur la parcelle de mourvèdre. Quatre allers-retours de plus et le troupeau est au complet avec 50 brebis, 6 chèvres et un patou. Ce dernier sera surtout dissuasif pour les sangliers. C'est le lancement d'une nouvelle activité sur le domaine. Les brebis ne sont pas dépaysées, elles connaissent déjà les lieux puisque nous les avons achetées à notre voisine Véronique, bergère sur la montagne d'Alaric qui conduit 240 brebis et 180 chèvres. Ces dernières années, elle venait faire pâturer vignes et prairies quelques mois durant l'hiver. Nous allons dorénavant gérer nous-même la pousse de l'herbe.

À relire dans Vitisbio 17 : Témoignage d’Amandine Nodin, vigneronne et éleveuse à Saint-Paray en Ardèche .


Les lames interceps sont passées en général deux fois dans l’année.

PEU D’INTERVENTIONS MÉCANIQUES

La maîtrise de l'herbe est pour nous un point crucial. Nous sommes en enherbement spontané et permanent et nous cherchons à travailler le moins possible le sol. Sur l'ensemble du parcellaire, seul le cavaillon est désherbé à l'aide de doigts de binage et de lames interceps. Nous essayons de réaliser deux passages de chaque outil dans l'année. L'inter-rang est quant à lui broyé une à deux fois par saison, avec un broyeur à marteaux et parfois un gyrobroyeur à lames. Le principal broyage est réalisé fin mai-début juin une fois que le couvert naturel a passé le stade de la floraison. Nous en profitons pour broyer les sarments à ce moment. En général, peu de plantes repoussent après ce passage. D'autant plus que les chaleurs de juin dessèchent rapidement les plus tenaces. Un deuxième broyage peut être prévu avant les vendanges sur les vignes aux sols plus profonds afin d'avoir un peu plus de confort pour les vendangeurs.

Broyage des inter-rangs en perspective !

EN HIVER, LES BREBIS

À partir de novembre , c'est aux brebis de passer à l'action. Nous réalisons des parcs d'un à deux hectares à l'aide de filets. La taille des parcs correspond à celle de nos parcelles de vignes. Le troupeau reste en moyenne cinq jours par hectare et il nous est facile de savoir quand les brebis ont fini de nettoyer une parcelle : elles donnent de la voix pour se faire comprendre ! Il faut compter trois heures à deux pour clôturer et transférer le troupeau d'une vigne à l'autre. Et nous passons une petite heure par jour pour faire le tour du parc et contrôler l'état sanitaire du troupeau. Cette gestion du temps de travail s'intègre assez facilement en période de taille.


TONTE RASE

Brebis et chèvres effectuent un travail assez remarquable puisque le couvert est rabattu à quelques centimètres du sol et le moindre brin, même collé contre une souche, y passe. Que ce soit brebis ou chèvres, les souches de vigne ne les intéressent pas. Nous sortons le troupeau des parcelles début avril une fois que les bourgeons commencent à grossir.

Les vignes en sortie d’hiver avec des inter-rangs tondus ras par les animaux.

UN ATELIER À INTÉGRER

L'élevage est une activité à part entière avec des contraintes toutes autres que celles de la viticulture. Pour nous aider à l'intégration du troupeau sur le domaine, nous avons embauché Apolline en apprentissage pour les deux prochaines années. Élève ingénieure à Sup Agro Montpellier, elle a pour mission de définir tout l'itinéraire technique de l'atelier ovin. Cela passe par la planification des périodes de reproduction et de mise bas à la définition des rotations parcellaires. L'objectif est d'intégrer cet atelier aux autres activités avec la gestion des ressources et du temps de travail la plus optimisée possible. Par exemple, pour l'interaction entre la vigne et le troupeau, il faut prendre en compte les contraintes de pousse de l'herbe en hiver et le débourrement de la vigne. Il est donc nécessaire de caler une rotation suivant les cépages plus ou moins tardifs pour que, sortie d'hiver, les vignes soient le plus propre possible. La prise en compte de la charge de travail est tout aussi importante. En période de mise bas, la priorité sera bien entendu le troupeau, certainement au détriment des soins de la vigne.

Un nouvel atelier à intégrer à l’activité viticole.

VISION GLOBALE ET À LONG TERME

La vigne, l'enherbement, le troupeau intègrent une vision plus globale que nous essayons d'avoir sur le domaine. Notre réflexion se base sur une certaine idée de la paysannerie où l'élevage est un atout pour l'ensemble des cultures en apportant la fumure nécessaire à leur développement, en limitant l'utilisation d'engins mécaniques pour l'entretien des parcelles, etc. La gestion de l'enherbement est motivée par notre volonté   d'améliorer la structure et la vie des sols.   Mais aussi de   préserver la biodiversité sur le domaine.   La prochaine étape sera le semis direct de couverts dans tous les inter-rangs dès cet automne. Il faudra bien sûr les réfléchir avec les contraintes liées au troupeau, car les brebis passeront dedans. Le choix des semences sera déterminant.


AFFAIRE À SUIVRE !

Nous ne sommes qu'au début de notre troisième année d'exploitation et nous sommes conscients que notre vision sera amenée à évoluer. Que certains choix que nous avons faits et feront devront être modifiés ou abandonnés pour des raisons techniques ou économiques. Un travail plus systématique du sol et des apports d’engrais favoriseraient certainement des meilleurs rendements à court terme. Mais nous cherchons plutôt une vision à long terme avec l’aggradation de nos sols via nos différentes pratiques pour les rendre plus résilients. (Et ce n’est pas si désagréable de voir des fleurs et des moutons dans les vignes plutôt qu'un nuage de poussière derrière un tracteur...)

À Roquenégade, l’élevage est vu comme un atout pour l’ensemble des cultures.

Alexis Gaudin et Émilie Gal
© A. Gaudin