Parcours en muscadet – épisode 2 : premières décisions

Le 16/07/2020 à 17:24

PARCOURS EN MUSCADET

Vitisbio suit un vigneron pendant une année. Chaque quinzaine, nous découvrons son actualité, ses enjeux techniques, ses difficultés et ses réussites !

Dans le 1 er   épisode, nous avons fait connaissance avec Robin Euvrard, s’installant sur une parcelle de Muscadet. Dans ce second épisode, le jeune vigneron fait part de ses impressions en découvrant le lieu, des premiers choix techniques s’imposant à lui (travail du sol, pulvérisation notamment), de sa première taille, sa confrontation aux risques de gel…

 

Vitisbio : Robin Euvrard, quelles ont été vos premières impressions en découvrant la parcelle sur laquelle vous alliez travailler ?

Robin Euvrard : J’ai visité la vigne pour la première fois en décembre 2019. En débarquant sur la parcelle, mes yeux se sont portés partout, sautant d’un élément à l’autre. Sur la vigne d’abord. Quel âge peuvent avoir les pieds ? 30, 40 ans ? Combien de ceps manquants ? L’état du palissage ? Ne sachant pas qui avait travaillé la vigne les années passées, j’ai dû imaginer, supposer. À voir la longueur et le diamètre des sarments, ça semblait plutôt vigoureux. Mes yeux tentaient également d’apprivoiser le relief, les dévers et les précautions pour les passages d’engins à prévoir. Je guettais les zones où l’eau pouvait s’accumuler, où elle coulait à ce moment-là, sachant que l’hiver était particulièrement pluvieux. On regarde beaucoup de choses et puis on finit par prendre du recul, par regarder la parcelle depuis le haut, en montant à la petite cabane en pierres juste à côté. Il y a des arbres, des talus, un environnement plutôt propice à la biodiversité, même si tout est bien calme pour le moment. Finalement, revenir à l’essentiel : je m’y suis senti bien tout de suite dans cette parcelle.

 

Quels ont été vos premiers choix techniques ?

Après plusieurs années à répéter les gestes, je savais globalement ce qui m’attendait, la succession des chantiers. Mais j’arrivais tout juste dans ce vignoble dont je ne connaissais ni les cépages, ni les sols, ni les habitudes techniques. Ici, la vigne est plantée à 6 500 pieds/ha, à 1,50 m d’écartement, c’est bien plus dense et serré que dans les secteurs où j’avais travaillé auparavant. Elle est taillée en guyot dit « nantais », une sorte de gobelet à trois bras, l’un portant un bois long, les deux autres des coursons. Une drôle d’architecture à apprivoiser. Heureusement, l’accueil est bon chez les vignerons du Muscadet, et sur les conseils de quelques pointures de la bio locale, j’ai pu échanger et orienter plus facilement mes premiers choix. L’autre gros défi, c’était la stratégie d’équipement. Je reprenais la parcelle au vol, mais je n’avais aucun matériel à disposition. Dans le coin, c’est du travail à l’enjambeur. L’une de mes chances dans l’aventure, c’est de travailler main dans la main avec l’équipe d’Ecodyn dont c’est le métier d’adapter du matériel. Nous avons réfléchi à tout ça ensemble pour s’orienter vers un micro-tracteur sur lequel adapter les outils de travail du sol. L’engin est mis à disposition par un concessionnaire, en test pour la saison. Pour la pulvérisation, j’ai fait le choix de faire appel à un voisin, le temps de trouver du matériel adéquat et performant. C’est Pierre-Marie, vigneron du domaine Luneau-Papin, qui accepte de s’en charger.

 

Comment s’est déroulé le début de votre première saison ?

La saison s’est vraiment lancée avec la taille. Je n’avais pas l’historique de la parcelle mais je savais que le Muscadet a subi plusieurs épisodes de gel au cours des dernières années. Ayant une petite surface, je me suis permis d’attendre les premiers jours de mars pour sortir le sécateur. La première journée fut même collective, des paires de bras d’amis ou famille venant s’ajouter pour s’initier à la taille ou nettoyer les abords. Ensuite, ça s’est enchaîné. Tailler et attacher les baguettes, une pulvérisation de 500 P, les premiers thés de compost. Fin mars, les premiers bourgeons pointent le bout du nez. Au même moment, autour du 25 mars, les prévisions météo annoncent des risques de gel dès le milieu de la nuit. On prévoit des -2 °C, -3 °C. Je prends des informations auprès des voisins, en essayant de lire entre les prévisions, croisant les températures annoncées ou ressenties, le vent, l’hygrométrie, etc. On se sent vite impuissant. Finalement, décision est prise d’installer une quinzaine de cuves autour de la parcelle pour y allumer et brûler des feux. On les allumera trois soirs de suite, là encore aidé par de précieuses paires de bras. Ça passe. Sorti de l’épisode, je peux me concentrer sur la plante et sa croissance en devenir. Démarrer le travail du sol. Observer les premières herbes qui poussent, distinguer, déjà les différences entre le haut et le bas de la parcelle. Une manière de s’approprier le lieu, progressivement.

Face aux risques de gel, Robin Euvrard, aidé par des amis, installe une quinzaine de cuves autour de la parcelle pour allumer des feux. (©R. Euvrard)