Parcours en Gironde épisode 4 :
Ne pas vendre à la tête du client

Le 17/11/2022 à 15:46

Cette période automnale est propice aux réflexions liées à la commercialisation. Pierre-Henri Cosyns fait le point sur sa stratégie : calculer son prix de revient, appliquer une cohérence tarifaire et ne pas transiger sur sa tarification.

"Être accompagné ou se former à la commercialisation est souvent indispensable", estime Pierre-Henri Cosyns.

 

ANTICIPER LA COMMERCIALISATION À VENIR

Bilan de campagne, réflexion stratégique sur les cuvées à venir, mise à jour des fiches techniques, contact des fournisseurs de matières sèches… De nombreux chantiers sont à mener pour anticiper sa quête commerciale. En parallèle de la taille qui commence, des salons particuliers  de fin d’année sont en cours, comme Les Barriquades les 19 et 20 novembre à Bordeaux. C’est aussi le moment des approvisionnements des cavistes pour les fêtes. Et il ne faut pas oublier que l’époque se prête pour bien définir les tarifs de l’année à venir et ses conditions générales de vente. Dès janvier, les salons pros arrivent, les restaurants vont redéfinir leurs cartes des vins et les cavistes vont aussi aborder cette réflexion.

Le festival Les Barriquades, à Bordeaux, où s'accordent dégustation et ventes de vin bio, concerts et ateliers. Organisé par Vignerons bio Nouvelle-Aquitaine.

 

FIXER SES TARIFS, LA BASE

Calculer son prix de revient, par cuvée ou choisir de coller au marché : voilà deux stratégies mais qui doivent répondre au même objectif : assurer une certaine rentabilité. Ensuite la première chose à faire est de définir un prix de vente final consommateur. Il peut s’avérer utile de créer un schéma de sa construction de prix, le poser sur papier, voir l’afficher dans son bureau. On peut travailler par cible (restaurateur, grossiste…) ou   par volume (nombre de cols) et aussi détailler le prix de revient après conditionnement ou en fonction de l’hectolitre ou du tonneau et pour ceux qui ont une part de vrac importante. Ne pas hésiter à prévoir un budget promotion aussi et intégrer, en l’affichant distinctement, les charges de transport. Et ce, en tenant compte de l’augmentation actuelle et à venir des coûts, mais sans afficher des prix exorbitants. J’ai remarqué que plus on maitrise sa tarification, plus l’acheteur est à l’écoute et fait confiance. Il se sent respecté et respecte le vigneron.

À relire : Article Vitisbio « Prendre en compte le prix de vente au consommateur  »

Tableaux créés par Pierre-Henri Cosyns pour définir sa grille tarifaire.

 

ÉTABLIR UNE COHÉRENCE TARIFAIRE

Pour un même produit, le prix consommateur devrait être le même sur tous les réseaux de distribution. Il faut être cohérent. C’est une réflexion qui peut bouleverser les habitudes. Mais si on a plusieurs circuits de vente, il faut respecter tous ses acheteurs : les pro, les particuliers, les importateurs… Dans un monde ultra connecté, cette cohérence tarifaire est indispensable. Le consommateur ne comprendra pas pourquoi le même vin est vendu trois fois plus cher dans un autre pays, même s’il y a bien sûr des frais liés au transport, ou dans un magasin spécialisé comparé à la grande distribution. Nous veillons à cette cohérence, et nous avons par exemple aligné notre prix de vente au domaine d’un vin référencé chez un de nos distributeurs. Proposer un prix différent, pour un même produit, à un magasin spécialisé ou un caviste, peut amener à terme à ne plus se faire référencer ! Il faut une équité entre les opérateurs.

Les salons, moments clés pour entretenir et développer la clientèle.

SAVOIR OÙ ON MET LES PIEDS

Le caviste fait peu de marge sur certaines références, il ne faut pas hésiter à échanger avec lui pour trouver le meilleur partenariat. Il existe une multitude de profils restaurateurs : celui qui achète à la propriété, l’autre au caviste et enfin aux grossistes. Se renseigner avant sur les stratégies des clients, pour sélectionner les plus pertinents et en phase avec notre produit est plus judicieux que d’aller frapper à toutes les portes. Où l’on peut d’ailleurs être tenté de proposer son vin moins cher que le voisin faisant le même produit : ce dernier doit alors s’aligner ou quitter le créneau. Et c’est toute la filière qui en pâtit. Dans les autres pistes pour la commercialisation, on peut penser aussi à l’e-commerce, aux GMS et opérations spéciales (Foire aux vins par exemple), aux agents, aux petits et grands exports et à la vente à la propriété.

VALORISER LE FAIT D’ÊTRE EN BIO

Le vin bio est un atout dans notre quête commerciale. Chacune de nos cuvées exprime une singularité, des convictions tenaces, le périple d’un homme, d’une femme ou d’une famille. Nous savons raconter « nos vins » au consommateur. C’est aussi un bel outil qu’on peut proposer à nos clients. Le bien manger, le bien vivre, de la production à l’assiette, sont des mantras que nous devons rappeler avec force. Considérer que la baisse du pouvoir d’achat justifie de casser les prix est une stratégie à courte vue. Un prix bas, c’est séduire le consommateur avec ce qui fera la perte du vigneron. Le consommateur de vins biologiques est avant tout un consommateur de vin. Ce qui signifie qu’il recherche, en bio, ce qu’il aime dans le vin : le plaisir (avec modération !), le terroir, l’appellation, la qualité, etc. C’est une excellente nouvelle pour nous qui sublimons ces valeurs. Ainsi, le vin bio séduit les jeunes consommateurs, qui s’y intéressent davantage qu’au vin conventionnel. Excellente nouvelle, lorsque l’on met en perspective le vieillissement des consommateurs de vin, et la concurrence, chez les jeunes, entre vin et autres alcools. Les vignerons bio peuvent compter sur une clientèle rajeunie, qui ne demande qu’à comprendre et apprécier les vins.

La nouvelle génération !

 

Pierre-Henri Cosyns
© Pierre-Henri Cosyns

LE PARTAGE DE PIERRE-HENRI :
Ne pas transiger sur la gamme tarifaire

Quand un acheteur me contacte, il me demande mon prix de vente à la propriété. De mon côté, je me concentre sur le prix qu’il proposera lui. Par exemple, mon vin coûte 18 € TTC prix consommateur. En sachant cela, l’acheteur, va calculer directement, combien il va me l’acheter. Si je lui donne le tarif que j’ai calculé pour lui, il va déjà essayer de négocier moins cher. Et une fois que la gamme tarifaire est établie, elle ne doit plus bouger. Nous ne devons pas engager des ventes types « marchands de tapis ». Les leviers de négociation doivent être autres : gratuité exceptionnelle ou remise sur la dernière facture si l’objectif de ventes est atteint, réalisation d’une rencontre animation dans la structure, opération commerciale, etc. Encore de la cohérence. Des institutions ou centres de formation privés existent pour accompagner les vignerons sur ces aspects.